En 1727, douze ursulines françaises débarquent en Louisiane après une périlleuse traversée de cinq mois pour fonder un établissement à la Nouvelle-Orléans. Trois éloges funèbres –deux lettres circulaires et un billet mortuaire– écrits par la mère supérieure Marie Tranchepain (1680? – 1733), jettent la lumière sur la naissance et la constitution de cette nouvelle communauté d’outre-mer. Ces textes, qui annoncent le trépas d’une moniale aux différentes maisonsde l’ordre, visent à édifier le destinataire à travers le récit de vies exemplaires. Cependant, dansles deux lettres circulaires, la mise en relief des vertus et de la bonne conduite de la défunte ne répond pas seulement à une finalité morale. Tout en s’appropriant les thèmes et les formes codifiées par la tradition, la mère Tranchepain forge un discours apologétique original, qui exalte la singularité de l’expérience missionnaire. Le récit, axé sur les épreuves affectives et physiques que les religieuses ont surmonté pendant leur vie, témoigne de l’élection providentielle de la communauté. En même temps, il dénonce l’opposition des autorités ecclésiastiques et coloniales au dessein divin. L’auteure célèbre, enfin, le succès de l’action apostolique au sein de la société locale pour persuader le destinataire à s’engager pour la survie de l’entreprise.